Bienvenue dans le monde du droit carcéral
Le droit carcéral est un domaine de droit méconnu de tous, juristes ou pas! En effet, ce champ de pratique est peu ou pas abordé dans nos formations, que ce soit en technique juridique ou à l’étape universitaire. Ce premier article se veut donc un premier pas dans cet univers des plus authentiques.
Pourquoi?
Cette pratique commence d’abord avec l’idée que la réinsertion sociale est possible et que chaque personne, peu importe son statut, a droit au respect de ses droits les plus fondamentaux. Surtout, il faut croire que chaque personne a droit à une seconde chance et à un nouveau départ.
Le droit carcéral est un dérivé du droit administratif qui s’inspire du droit criminel, le rendant tout à fait unique. Les assises juridiques s’entremêlent entre les droits fondamentaux des personnes incarcérées, les lois habilitantes sur les différents paliers du système carcéral, provincial (établissements provinciaux) et fédéral (établissements fédéraux), et les nombreuses directives émises.
En résumé, les juristes sont placés devant une machine gouvernementale très ancrée où les intérêts de leurs clients sont souvent stigmatisés de par leur statut. Le droit carcéral est une pratique particulièrement humaine et authentique où nous sommes amenés à développer des stratégies, pousser notre raisonnement juridique et à s’attaquer à de grands obstacles législatifs et politiques.
Pour qui?
D’emblée, oubliez vos prétentions quant aux types de personnes incarcérées, il n’y aucun dénominateur commun; grand-mère de 60 ans condamnée pour un vol à l’étalage dans une boutique, professionnel ayant commis une faute dans l’exercice de son travail, père de famille incapable de payer ses contraventions, jeune adulte ayant causé un accident par inexpérience… Bref, nul n’est à « l’abri » d’une période d’incarcération.
Rappelons également qu’une partie de la population carcérale provinciale est détenue comme prévenue et donc, en attente de leur procès. Il peut s’écouler plusieurs années avant qu’un verdict soit rendu et l’incarcération perdure malgré tout, avec tous les impacts qui s’appliquent.
Durant toute période d’incarcération, ces personnes deviennent vulnérables en soit. En effet, peu importe leur passé, une fois entre les murs, les personnes incarcérées sont d’abord privées de leur liberté, éloignées de leurs proches, stigmatisées par les valeurs de la société, confrontées à une surpopulation des établissements, lesquels sont gérés par une institution blindée. Ce qu’on peut prendre pour acquis à l’extérieur des murs peut s’avérer un vrai défi une fois détenu.
Bien sûr, l’histoire de ces personnes incarcérées commence parfois par des problèmes de santé mentale, de toxicomanie et de dépendance. D’autres sont sans événement particulier et entrent dans ce monde pour la première fois. Chaque personne est différente et il vaut mieux laisser de côté ses préjugés afin de bien comprendre ses besoins afin de lui apporter le soutien nécessaire.
Comment?
Avec la pandémie actuelle, les médias ont pris d’assaut certains établissements de détention et dénoncé les conditions de détention intolérables que vivent actuellement des centaines de personnes. La société se conscientise davantage sur la situation carcérale et notre domaine de pratique monte en popularité. Nous sommes inévitablement le lien entre la personne incarcérée et le monde extérieur et avec ses proches ainsi qu’avec l’évolution des mesures gouvernementales mises en place dans les établissements.
Au quotidien, l’essentiel de la pratique se résume aux rencontres avec la clientèle dans les établissements de détention, aux audiences devant les Commissions des libérations conditionnelles, à la représentation des personnes incarcérées face au comité de discipline, au respect et à la sauvegarde des droits des personnes incarcérées et la présentation de recours extraordinaire devant la Cour supérieure. Il s’agit d’une pratique volumineuse, mais qui apporte un lien sincère avec la clientèle. En effet, établir un lien de confiance est nécessaire afin de comprendre les raisons pour lesquelles la personne se retrouve incarcérée, bien saisir les besoins contemporains à sa situation et assurer ses intérêts devant les différentes instances.
Les intervenants sont nombreux, spécialisés et nous représentons souvent la référence afin de démêler le rôle de chacun d’eux. Des outils sont disponibles pour appuyer chacune des étapes du processus judiciaire, tant avant et pendant le processus judiciaire qu’une fois la sentence rendue. Ainsi, la collaboration avec les avocats criminalistes est de plus en plus établie et se veut un partenariat gagnant au processus judiciaire.
Et vous?
Le parajuriste se trouve à être la première personne qui analyse les besoins immédiats de la personne qui requiert les services d’un avocat carcéraliste. Il peut être appelé à décortiquer les différents documents carcéraux divulgués en vue d’une audience devant les Commissions des libérations conditionnelles ou encore interpréter les nombreuses directives afin de trouver des arguments applicables à une situation donnée.
Le parajuriste doit nécessairement être à l’aise avec une clientèle souvent dépourvue de repères, vulnérable et parfois difficile.
Les tâches se répartissent donc entre la rédaction, l’analyse et la préparation de dossier en vue d’une audience, l’accompagnement avec la clientèle et le développement d’arguments juridiques. Le droit carcéral est en plein évolution et nécessite donc un bon sens de l’initiative et de la débrouillardise.
Et après?
Le monde carcéral en est un plutôt fermé. Notre mission est de le révéler tant aux autres juristes qu’à la population générale afin de faire naître une reconnaissance du statut des personnes incarcérées en tant que sujet de droit.
Afin de sensibiliser les lecteurs, nous vous proposerons dans de prochains articles des cas concrets comme exemple de l’application du droit carcéral sur notre clientèle, mais également sur la société en général.
Au plaisir de capter votre intérêt avec notre prochain écrit!
Me Kim Bouchard